Prendre ses quartiers à Monein

Est-on de Monein ou d’un quartier de Monein ? S’il est moins marqué qu’autrefois, l’esprit de quartier se fait encore sentir à Candeloup, Ucha, Cabirou, Laquidée, Marquemale, Serrot, Loupien, Castet, Trouilh et Coos. Partons à travers les dix hameaux de Monein, empruntons les splendides chemins de crêtes, pique-niquons à Haut-Ucha et roupillons au bord d’un arpent de vigne en face du Pic d’Anie.

Monein, cinquième plus grande commune en superficie des Pyrénées-Atlantiques, compte des kilomètres de chemins et de routes de crêtes. Autant d’invitations à faire chauffer les mollets. Pour se mettre en jambes, une boucle balisée et baptisée « Histoire de Monein » grimpe vers la motte féodale des Castérasses dans le quartier Castet. Départ depuis le chemin de Griffet. Après quelques minutes, une vue parfaite se dégage sur le village et l’église Saint-Girons. Aux beaux jours, plusieurs quartiers de Monein organisent leur repas.

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Au quartier Trouilh, nom qui désigne le pressoir en Béarnais, les tables sont dressées sous l’immense chêne de la ferme Barrère. Pour s’y rendre il faut emprunter le chemin d’Angousture. Légèrement après le N° 70, le chêne trône au bord de la route. Et voilà un nouveau point de vue sur Monein et son église. On peut abandonner la voiture et poursuivre à pied sur le chemin d’Angousture, en direction de Cardesse. Les paysages qui nous attendent valent la peine de prendre son temps.
Panorama pyrénéen

Quelques indications : rester sur le chemin d’Angousture, un panneau vert indique « Maison Marimpoey », c’est la bonne direction. Continuer jusqu’au croisement avec le chemin Lourtau marqué par une borne à la mémoire de Marie Bartête. Emprunter le chemin Lourtau puis prendre le sentier dans le bois signalé par un panneau interdit aux motos et aux voitures. Vite après, en sortant du bois, le sentier descend derrière une maison et rejoint la route goudronnée. Au carrefour, s’engager sur le chemin Lamarche qui longe le domaine Capdevielle. Au fur et à mesure, les maisons se font plus rares. Au croisement avec le chemin Picapé, prendre Picapé à droite et monter. La route dessine une courbe. Un peu plus loin le goudron laisse la place à un chemin empierré qui atteint une parcelle de la Cave de Jurançon. La vigne dans le dos et les Pyrénées face à nous, c’est paraît-il le spot idéal d’observation des vols de palombes. Avec ou sans l’oiseau bleu, l’endroit ouvre un magnifique panorama d’où se détache le Pic d’Anie. Continuer et descendre le sentier qui longe une maison sur la droite et des bâtiments agricoles sur la gauche. Au croisement, prendre le chemin Bergez Combien.

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On suit cette voie goudronnée tout du long jusqu’à rencontrer un chemin empierré qui monte à gauche dans un sous-bois. On rejoint alors un plateau où La Trinité vignes, bois, sommets est en majesté. C’est assurément un des plus beaux coins à Monein. Il s’est écoulé un peu plus d’une heure depuis le départ sous le grand chêne et l’on a déjà trois quartiers au compteur, Trouilh, Coos et Candeloup.

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Les moutons dans l’église
Le paysage moneinchon a-t-il beaucoup évolué à travers les âges ? À Candeloup, cet arpent de vigne qui confine au paradis sur terre pourrait laisser penser que non. Or par le passé, les pâturages occupaient à Monein une place beaucoup plus importante. Avant la Révolution, le village était une terre de transhumance recherchée. L’hiver, les bergers des vallées béarnaises en quête de nourriture pour leurs moutons passaient des contrats avec des habitants de Monein et leur envoyaient leurs bêtes. Elles se plaisaient tellement à Monein que leur nombre a fini par poser problème. L’histoire locale rapporte qu’un certain Jospeh de Pèes, berger de son état, « ayant fermé son troupeau chez Trouih » a pris la liberté de faire paître ses moutons dans le cimetière. Sacrilège ultime, il a traversé l’église avec ses bêtes. En 1675, il y a tant de moutons que le Conseil de ville pour éviter de devenir chèvre, intervient et limite le nombre de têtes autorisées : pas plus de 100 par maison.
« J’ai pris la route de Moneng »
Reprenons notre promenade sur ce chemin qui descend à présent à travers bois et rejoint la départementale. Il suffit de la traverser pour aller chercher le chemin Bourrassot à l’Écolieu du Laring. Ça va grimper sec. Nous quittons Candeloup par la route de Bourrassot qui nous hisse au quartier d’Ucha, plus précisément à Haut-Ucha. Au croisement des chemins Bourrassot et Saramida, une table de pique-nique sert aussi de point de repère pour s’orienter dans le quartier. À partir de là, on peut envisager une boucle de près de trois heures pour collectionner les points de vue. Elles sont physiques, mais ces routes de crêtes sont des remèdes contre l’abattement moral et cela ne date pas d’aujourd’hui. Dans son ouvrage Voyage en France, l’agronome anglais Arthur Young écrit en 1792 « J’ai pris la route de Moneng, et je suis tombé sur un spectacle qui en France était si nouveau pour moi, que je pouvais à peine en croire mes yeux. »

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Chemin de la pierre blanche
En poursuivant sur le chemin Bourrassot à droite, on arrive sur le chemin empierré de la Pierre blanche. Dans l’axe, se trouve le pic de Ger. Le chemin croise le GR 653 (chemin de Compostelle – voie d’Arles), on continue tout droit, en pénétrant dans le sous-bois et en longeant un conteneur kaki. Le chemin finit par rejoindre la route goudronnée. On l’emprunte sur la gauche, dans la descente, puis de nouveau à gauche à la cabane des chasseurs. Engagé à présent sur le chemin de la Baysère qui croise également le GR 653, on file tout droit jusqu’au premier carrefour. Laisser la route d’Ucha et le chemin Lafrique et emprunter à droite le chemin de Castille qui grimpe jusqu’au croisement avec le chemin Caubeigt.
Pionnière de l’accueil à la ferme

Nous voici dans un autre quartier celui de Laquidée d’où l’on surplombe le village de Lacommande à droite. Caubeigt rejoint la route départementale 34. Il faut la prendre à gauche sur quelques mètres, direction Cuqueron. Ici vit une Moneinchonne « cap e tot ». Marie-Josée Nousty, propriétaire des chambres d’hôtes Canterou est également présidente des Gîtes de France des Pyrénées-Atlantiques.

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« J’ai ouvert les chambres d’hôtes en 1989. Nous étions peu nombreux à l’époque. J’ai toujours ce plaisir des rencontres et de la discussion. J’aime cet équilibre entre l’accueil que l’on se doit d’offrir à nos visiteurs et la discrétion qu’ils attendent aussi de nous. Ça tombe bien je suis balance. Au fil des ans, des clients sont devenus des amis. Je garde en tête le bonheur d’une famille de vacanciers suisses que j’ai amenée aux Fêtes de Bayonne. Une autre fois, un client est arrivé avec le coffre rempli de cèpes. Une dame m’a aussi dit un jour : « C’est ici le Jurançon, je pensais que c’était dans le Jura. »
Dans cette maison, on a refait le monde un million de fois, sans que ça change grand-chose. C’est quand même fabuleux de recevoir chez soi des gens de tous horizons. Et puis Monein c’est une pépite, il y a tout, il ne manque qu’un marchand de chaussures. Mais vous pouvez quand même marcher sur la ligne de crêtes du Haut-Ucha, c’est le paradis.»
En route vers Haut-Ucha

On quitte la départementale et on bifurque à gauche sur le chemin Pierrette en descente. On longe le domaine Bayard. Au stop, prendre à droite la route d’Ucha direction domaine de Montesquiou. Sur la droite un verger de noisetiers. Au carrefour suivant, filer à gauche, route du Haut-Ucha, direction domaine de Montesquiou, domaine de Malarode, domaine de Montaut. La route fait ensuite un tournant sur la droite, marqué par les panneaux de ces trois domaines. Au bout de la ligne droite, laisser le chemin Sarramide à gauche et monter à droite en direction des domaines de Montesquiou et de Malarode. On retrouve le Haut Ucha et la vue sur les Pyrénées. À droite, en contrebas, le quartier Candeloup. La route finit par rejoindre le chemin Bourrassot et la table de pique-nique.

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Le vin remplit les caisses

C’est à Monein et nulle part ailleurs que s’est constituée une véritable paysannerie vigneronne. Le vin d’alors que l’on n’appelait pas encore Jurançon était déjà apprécié au village et bien au-delà. Son commerce et les taxes afférentes ont largement contribué à la prospérité de Monein. Bien avant la Révolution, le commerce du vin y est encadré par un règlement quasi protectionniste. Il est écrit noir sur blanc, l’interdiction de transporter à Monein du vin venu d’ailleurs, d’en vendre et d’en débiter avant que le vin du cru ne soit vendu. Restriction aussi sur la vente de vin de Monein aux « étrangers » quand la vendange est mauvaise.

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C’est le cas en 1709 et 1710 en raison de la grêle qui frappe durement les quartiers Candeloup, Ucha et Loupien. Les jurats ordonnent un recensement des stocks des « cabaretiers » et des particuliers, assorti d’une interdiction de vendre le vin à l’extérieur sans autorisation. Le vin à cette époque est déjà taxé et les autorités locales ne comptent pas qu’on leur fasse les poches. Mais c’est aussi une affaire de santé publique comme le prouve l’ordonnance du 10 juin 1709 qui stipule :« attendu que le vin est une provision indispensablement nécessaire, soit pour les malades ou soit pour les personnes qui se portent bien. »

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Le vin de Monein s’invite aussi à la table des jurats quand les libations détournent les bons paroissiens de leur devoir. Le 12 novembre 1718, le curé de la paroisse et les vicaires s’alarment « Les cabarets et hôtes reçoivent toutes sortes de personnes en leurs maisons, les jours de dimanches et fêtes et surtout pendant les divins offices, durant les processions, de même que la nuit ». En réponses, les textes tombent : les cabarets doivent être fermés le soir à l’angélus, durant la messe, les vêpres et les processions.

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Le droit de fermer son champ

Le village de Monein a bel et bien prospéré sous l’ancien régime. L’importance de la vigne, les revenus de la vente du vin, de la culture du maïs et du lin, l’élevage des bestiaux et leur commerce formaient le socle de la vie économique. À cela s’ajoute une exception moneinchonne : le droit accordé aux cultivateurs de clôturer leurs champs bien avant tout le monde. En effet, dès le XVIe siècle, les autorités locales accordent de nombreuses dérogations au droit de parcours des animaux de ferme, droit qui obligeait les paysans à laisser leurs champs libres d’accès. Or des terrains clôturés sont déjà présents à Monein bien avant l’autorisation officielle pour un paysan béarnais de fermer son champ, intervenue en 1767.

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La plus grande église gothique du Béarn

Impossible de quitter Monein sans visiter l’église Saint-Girons. Ses toitures monumentales, soutenues par la célèbre charpente en forme de coque de navire renversée, font d’elle la plus grande église gothique du Béarn. Ses dimensions témoignent de la prospérité qui régnait au sein de cette communauté villageoise au XVe siècle.

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Car en plus des dons et legs divers, ce sont bien les habitants de Monein qui, durant plus de soixante ans (1464-1530), ont soutenu par l’impôt la construction de l’édifice. L’église et sa charpente mise en lumière se visitent. Renseignement auprès de l’Office de tourisme.

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« Il y a quelque chose de particulier à Monein et Lucq-de-Béarn qui fait que les choses bougent dans un état d’esprit serein. C’est peut-être lié aux jeunes qui créent des choses et qui s’entraident. »
Tom Thieuleux, 33 ans, maraîcher à Monein depuis quatre ans.
« C’est l’hiver, vous n’aurez pas un chat »

Jean Casaubieilh, 85 ans, a été l’un des vignerons qui a contribué à la montée en puissance de l’association qui regroupe aujourd’hui les producteurs indépendants de l’appellation Jurançon. Avec son ami Charles Hours il a aussi contribué au lancement de Slow Food Béarn.

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En 1999, avec une poignée de collègues, vous lancez les premières portes ouvertes chez les vignerons du Jurançon. On est en plein mois de décembre et on vous rit au nez.
Racontez-nous.
« Quand on en parlait autour de nous, tout le monde nous disait « C’est l’hiver, vous n’aurez pas un chat. » A l’époque nous avions embauché un stagiaire qui sortait de Purpan et qui a fait une belle carrière depuis. C’est Lionnel Osmin. C’est lui qui a insisté pour que nos portes ouvertes aient lieu à cette période. Il nous a convaincu. On a fait une petite conférence de presse pour présenter le truc sans trop y croire. Sur les 60 vignerons que nous étions, 15 ont pris part à cette première édition. Résultat on a eu 5 000 personnes. On était complètement débordé, on a vendu du vin qui n’était ni encapsulé, ni étiqueté. C’était la prise de conscience que les gens ne nous connaissaient pas, qu’ils n’étaient jamais venus. Les années suivantes jusqu’à 25 000 personnes sont venues aux portes ouvertes qui sont devenues depuis un temps fort de l’année en Béarn. »

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Carnet  d’adresses
L’Estaminet
Hôtel-restaurant emblématique de Monein, L’Estaminet a été repris en 2023 par Jean-Jacques Michaud et son fils Emeric. Une adresse toujours très bien tenue.
L’Écolieu du Laring
Au quartier Candeloup, un lieu dédié à l’écologie et au bien-être, à travers des formations et un riche calendrier d’évènements
La Coopérative de la pêche Roussanne
Durant l’été, dès que débute la récolte des pêches, la coopérative ouvre son lieu de vente à l’entrée de Monein, quartier Loupien.
L’Atelier de l’Ours
Une adresse addictive où se concentrent des produits locaux et des confections maisons salées et sucrées
Le chemin du Moulin d’Ayres
Au quartier Castet, encore un chemin qui déroule un splendide point de vue sur le vignoble et les Pyrénées
Le Pont de Pic

Un joli coin fraîcheur au bord de la Baysère

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