Oloron, n’attendons pas 20 ans

Oloron, ville haute et basse qui collectionne les points de vue renversants sur elle-même et sur les sommets. Oloron, cité antique et médiévale, encore très largement préservée. Oloron où les torrents d’Aspe et d’Ossau s’engourdissent et où la place Saint-Pierre mérite le titre de la plus jolie place du Béarn. N’attendons pas 20 ans qu’une autre génération envie notre place et profitons dès à présent d’Oloron-Sainte-Marie.

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Saint-Pierre, la plus belle place du Béarn

Pour mieux la comprendre, il faut se souvenir qu’Oloron Sainte-Marie ce sont deux villes distinctes jusqu’à leur unification en 1852. D’un côté la cité des seigneurs, sur la colline de Sainte-Croix. De l’autre Sainte-Marie, la ville des évêques et de leur cathédrale. Entre les deux, les relations n’ont pas toujours été cordiales. On débute la visite en montant à Sainte-Croix. Pour deux raisons au moins. Parce que cette colline offre les plus beaux points de vue qui soient sur la ville et sur le piémont et que le quartier semble avoir enfermé le temps. Le bel ovale de Saint-Pierre forme selon Gérard Gourat, riverain, « la plus jolie place du Béarn ».

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Elle est encapsulée par des façades tantôt nobles, tantôt modestes, qui dessinent un espace public très attachant. Ne manque à cette place qu’une ou deux terrasses pour y boire un coup. Car après tout, elle a été aménagée en 1287 pour y faire la bamboche. Cette année-là, on y célébra 10 jours durant un mariage entre les cours royales d’Aragon et d’Angleterre. La crêperie La Gogaille est la bonne petite adresse du quartier et la programmation musicale du centre social retient un peu la nuit.

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Sous la coupole byzantine

À deux pas de là, l’église Sainte-Croix possède une coupole byzantine comme on peut en voir à Cordoue. Sans être rarissime, ce n’est pas si courant que ça dans nos contrées (un autre exemple se trouve à l’Hôpital Saint-Blaise). On la doit à Gaston IV de Béarn dit le Croisé (1074 – 1130). En 1118, le vicomte de Béarn participa à la reprise de Saragosse et s’éprit de l’art mozarabe jusqu’à passer commande de cette coupole aux arcs entrecroisés. À voir aussi dans le quartier, la Maison du Patrimoine et la tour de Grède dont la terrasse offre une vue à 360°.

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Pour notre plus grand bonheur, Oloron a préservé quelques-unes de ses trames urbaines antiques et médiévales. Alors pour redescendre de Sainte-Croix, plusieurs choix s’offrent à nous. Il y a les lacets de la rue Biscondeau. En toute modestie, c’est un peu Lombard Street à San Francisco mais à la sauce béarnaise. Ou bien la promenade Bellevue que l’on emprunte jusqu’à rejoindre la rue Labarraque. Depuis cette promenade, le parcellaire en lanière, si présent à Oloron, s’observe aisément. Quès aco le parcellaire en lanière ? Ce sont les jardins longs et étroits qui s’étirent à l’arrière des maisons. La largeur de la parcelle correspond à celle de la poutre principale de l’habitation.

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Maisons à galeries suspendues au-dessus du gave

Les torrents pyrénéens, le gave d’Aspe et le gave d’Ossau, qui parcourent Oloron façonnent son histoire et sa géographie. Au-dessus d’eux, comme suspendues, les maisons aux arrières recouverts d’ardoises et de verre sont assurément la carte postale la plus vendue d’Oloron. Un bon exemple de cette architecture du XVIIIe siècle se situe rue Louis Barthou, côté gave d’Aspe. C’est beau et c’est bio. En effet, durant l’hiver, alors que l’ardoise protège de l’humidité, la verrière capte la chaleur du soleil qui tape de front. L’été, l’avant-toit et les stores évitent un rayonnement trop puissant. En somme, deux siècles avant le nôtre, la maison bioclimatique est déjà là. Dans cet entre-deux, ni extérieur, ni complètement intérieur, on cuisine, on fait sécher son linge et on laisse pousser de belles plantes. Les ponts et les passerelles, sept en tout, ouvrent de parfaits points de vue.

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Pour un effet à fleur d’eau, il faut prendre, tout près du Loft Café, le petit chemin qui s’enfonce vers la rive gauche du gave d’Aspe. L’été on remonte le pantalon sans se faire prier pour le bain de pieds. La passerelle qui rejoint la rue Louis Barthou est le spot idéal pour observer les truites en stationnaire au milieu du courant. Ici, ça pêche en plein centre-ville. On ira chercher la fraîcheur et la contre-plongée en empruntant la minuscule et bien nommée rue des Bains. Là, il n’y a même pas à cadrer, la voûte du pont d’Ossau fait le boulot à votre place.

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Lire sur l’eau à la médiathèque

Le cadrage ultime se trouve à l’intérieur de la médiathèque des Gaves. L’immense pignon vitré au bout du bâtiment, c’est le viseur géant d’un appareil photo. Derrière la vitre, les torrents des deux vallées s’unissent pour former le tout jeune gave d’Oloron. Il est fortement recommandé de s’affaler là quelques instants. Seul le ronron de la centrale électrique installée sous les bouquins est perceptible. Les jardins tout autour de la médiathèque sont aussi très appréciés des Oloronais. Tout y est tranquillité à la confluence des eaux. Chapeau à l’architecte et enfant du pays Pascale Guédot qui a dessiné cette médiathèque en 2010 décrochant aussitôt l’Équerre d’argent, l’équivalent du prix Goncourt pour les architectes. Son bâtiment est un hommage à ces rivières dont la force motrice a fait les beaux jours de l’industrie textile à Oloron.

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À son plus haut, au XIXe siècle, celle-ci employait 80 % de la population en âge de travailler. Pères et mères, fils et filles, tout le monde allait aux ateliers pour confectionner le linge de maison, les couvertures, les vêtements, les bérets, les ceintures, les espadrilles. Aujourd’hui, les tissages Lartigue 1910 et la maison Laulhère perpétuent avec modernité cet héritage. Le magasin Souviron Palas (prêt à porter, linge de maison, déco) s’inscrit dans cette tradition. Il est entre les mains de la même famille depuis 1620. Ainsi les gaves et leurs ouvrages d’art, leur patrimoine de digues, passelis, moulins et industries sont reconsidérés pour leur extraordinaire valeur patrimoniale.

Saint-Grat toujours fêté 16 siècles après sa mort

L’autre Olympe oloronais c’est le quartier Sainte-Marie et sa cathédrale classée par l’UNESCO. On est ici au royaume des évêques. 60 prélats se sont succédé jusqu’en 1801, date à laquelle l’évêché d’Oloron fut transféré à Bayonne. Le plus célèbre de tous est Saint-Grat (Ve siècle). Seize siècles après sa mort, il est toujours célébré chaque année au mois d’octobre lors d’un grand week-end de fête. La tradition veut que l’on mange du canard à cette période en souvenir du cher évêque qui distribuait des canards aux habitants les plus pauvres.

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La légende entourant sa mort est cocasse et se trouve résumée par cette statue aux abords de la cathédrale. Saint-Grat y est ligoté sur une mule. Demandez donc aux locaux de nous narrer l’affaire. La cathédrale, c’est avant tout le portail roman du XIIe siècle qui ne cesse de captiver les visiteurs. Au milieu des décors bibliques, le regard se porte sur la voussure ornée de scènes représentant la préparation d’un banquet. De la découpe du pain et du jambon, en passant par le pèle-porc et la pêche au saumon, cet ensemble est unique. Et ces billes de verres incrustées dans les pupilles de certains personnages, tellement photogéniques, mais qui ne datent pas du tout de l’époque romane. Elles ont été rajoutées en 1869 par l’architecte en charge de la restauration de l’édifice.

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Malheureusement la cathédrale a vu son trésor dérobé une nuit de novembre 2019. La voiture bélier a notamment emporté dans son coffre les somptueux habits sacerdotaux qui avaient survécu à la Réforme et à la Révolution. Sur la to do list au quartier Sainte-Marie sont notés : la part de Russe chez Artigarède parce que le fief du célèbre gâteau est ici. « Certains s’en rapprochent, mais personne n’égale le goût de l’authentique, et les clients ne s’y trompent pas. Lorsqu’une contrefaçon se vend, on a eu le temps d’en écouler 100 vrais ! » déclarait Michel Bassignana-Artigarrède à la République des Pyrénées à l’occasion du centenaire de la maison en 2023 ; un passage à la librairie L’escapade de Cédric Laprun ; le restaurant La Part des Anges tenu avec brio par Claude et Murielle Dopp.

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Le parc Pommé, la pépite

Dans cette ville qui n’a pas vraiment de centre, le jardin public est en quelque sorte le pivot entre les trois principaux quartiers, Sainte Croix, Sainte Marie et Notre-Dame. On peut s’y reposer un peu et y pique-niquer après les emplettes au magasin Tot de Casa juste à côté. Cette boutique référence 40 producteurs et éleveurs locaux. Le vendredi se tient le marché hebdomadaire. La halle située derrière la mairie est un passage obligé ce jour-là. Difficile d’imaginer qu’à cet endroit se trouve aussi une des plus belles salles d’escalade de la région. Au Voyage aux Pyrénées, nous avons un petit faible pour le parc Pommé. En retrait de la ville, au milieu d’une grande variété d’essences, on se laisse rapidement gagner par la quiétude d’autant plus qu’il n’y a pas foule. On y retrouve les sculptures du symposium d’art contemporain de 1990, dont le lit « Popas » d’Alexandru Arghira, apparemment très prisé pour les photos de mariage.

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Pour déjeuner, les Oloronais apprécient le Bristol, une institution, ainsi que le restaurant O’Bistrot Gourmand, plus récent mais déjà convoité. Le Loft café a également de nombreux adeptes et sa terrasse est cool. Un peu plus business, le restaurant de l’hôtel Alysson travaille sa cuisine au cordeau. Passage obligé aussi à la boutique Lindt qui ne désemplit pas. En 2024, Oloron fête les 100 ans de sa chocolaterie créée par Maurice Rozan de Mazilly en 1924. Elle est aujourd’hui opérée par Lindt & Sprüngli et c’est le plus grand pourvoyeur d’emploi avec l’usine Safran. Si Oloron n’est pas connue pour sa vie nocturne trépidante, il n’en demeure pas moins que la programmation culturelle n’a pas à rougir. L’espace Jéliotte offre une riche saison de spectacles vivants et le festival Jazz à Oloron aligne les belles références.

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Benjamin Bonnave dit « Bobi » habite le quartier Notre Dame avec sa compagne Pili Rubi. Très attaché à sa ville, ce militant anarchiste de 37 ans met les mains dans le cambouis pour sauver Radio Oloron et ne lâche pas le combat de l’hôpital. Il vit dans le quartier Notre-Dame.

Que représente pour vous Oloron ?
Enormément de chose. Je suis arrivé ici à l’âge de 16 ans avec mes parents. Auparavant nous habitions en Gironde. J’ai découvert l’engagement politique à 18 ans à la Goutte d’eau. Cette période m’a marqué pour toujours notamment l’épisode final au moment de l’expulsion. A Oloron j’ai trouvé une ville militante, avec une tradition d’accueil, très marquée par l’amitié franco-espagnole et le devoir de mémoire autour du camp de Gurs.

Vous vous engagez vous même pour la ville ?
Je suis au conseil d’administration de Radio Oloron pour tenter d’éviter la fermeture et la perte de la fréquence FM. C’est un gros boulot, on doit faire tourner l’antenne pour démontrer au juge que le projet est solide. Je le fais parce que Radio Oloron est une part majeure de la vie sociale de cette ville, c’est 40 ans d’histoire et 50 bénévoles. Bref, une vraie radio, pas un disque dur qu’on laisse tourner toute la journée. L’autre combat du moment se joue à l’hôpital. Notre crainte c’est qu’après les travaux réalisés avec l’argent public l’hôpital finisse par passer dans les mains du privé d’ici quelques années.

Quelques mots sur votre quartier ?
J’habite une petite maison de la rue Gassion dans le quartier Notre-Dame avec poules et mouton. On mène une vie semi urbaine semi rurale en très bonne entente avec les voisins, On fait des apéros, on se prête les voitures, on a un petit garagiste. Je me délecte tous les jours de cette ville et de la promiscuité avec la nature. Je prends tout le temps des photos depuis le haut de la rue. Avec le groupe Kalune j’ai fait pas mal de ville en France et j’ai pu mesurer la chance que j’ai de vivre ici.

Votre compagne est argentine, comment vit-elle sa vie à Oloron ?
Pili est danseuse, elle enseigne sa discipline ainsi que le yoga. Elle a très vite été adoptée par les Oloronais. Tout le monde la connaît, elle a une énorme vie sociale. Les gens l’adorent et elle se plait énormément ici. La vie de village, la tranquillité, la gentillesse de gens, tout ça est fait pour elle.

Crédits photos drone – Cyril Garrabos