À Orthez, le restaurant Chez Cabeillou fête ses 90 ans. Cette table, tenue par des femmes depuis sa création en 1935, est passée entre les mains de la dernière génération. Rémi Martins et son frère Hugo jouent avec leurs envies sans trahir l’esprit de la maison.
C’est une adresse un peu planquée à Orthez mais elle émarge au registre des incontournables. Chez Cabaillou, rien que le nom est une invitation. Invitation à entrer dans une cuisine de famille, cocardière, bien fête et qui en même temps ne promet pas la lune. Mais à y regarder de plus près, le passage de relais à la nouvelle génération n’est pas sans surprise.
Assiettes bien remplies
Rémi Martins et son frère Hugo abattent leurs cartes sous l’œil bienveillant de leur mère Nathalie, passée des cuisines au service. « Notre mère et notre grand-mère nous ont laissé faire mais en veillant à ce que les assiettes continuent d’être bien remplies. Et à ce que la convivialité reste intacte » souligne Rémi Martins. Voilà deux ans maintenant que Chez Cabeillou a opéré sa petite révolution et pas grand monde ne semble s’en plaindre.
Côté tradition, ni les pieds de porc, ni la tête de veau ne se lamentent du sort que leur réservent les frangins. Les premiers sont astucieusement accommodées en croquettes savoureuses. La tête de veau évolue vers un carpaccio quand la langue de bœuf se marie à un bouillon thaï. Les laquages empruntés à la cuisine asiatique font aussi leur apparition.
Passage à la flamme
Pour faire passer le duo maquereau betterave au menu ouvrier, il faut être un peu astucieux. Alors, Rémi Martins fait cuire sa betterave en croûte de sel et lui applique une marinade sauce soja et vinaigre. Il remise le maquereau au vin blanc dans la boîte des mauvais souvenirs et dégaine son barbecue Green Egg. Il suffit alors de passer les filets à la flamme pour se mettre les dubitatifs dans la poche. Crevette panko et mayo wasabi, röstis de patate douce et chèvre frais voisinent avec la pintade farcie et sa polenta crémeuse. A côté de l‘araignée de porc à la sauce chimichurri, l’onglet de bœuf et les frites maison ne tremblent pas. Quant-au poulet basquaise riz, il n’a pas dit son dernier mot. De l’art de trouver l’équilibre.
Manger au restaurant c’est savourer des produits et des associations que l’on ne reproduirait pas à la maison. Alors on se laisse facilement domestiquer par Cabeillou. Rémi Martins ne fait pas du locavorisme une religion. Autant travailler avec ce qui se fait de bien ici. Mais il ne s’interdit pas d’aller voir un peu plus loin. Ainsi pour le porc en provenance de la Ferme du Vieux Bourg à Castel-Sarrazin.
Inspiration ?
« Je n’ai pas Antoine Dupont ou Kylian Mbappé sur mes réseaux sociaux, mais j’ai mes potes qui cuisinent et aussi la jeune garde du moment. Je sors le plus souvent possible et parfois ça se fait tout seul. Je me revois au Prince Noir à Lormont avec Vivien Durand qui prend une chaise et discute en toute simplicité à la fin du service. Y’a pas longtemps, un bel échange aussi avec la patronne chez Art’Zain à Irissarry »
Nourrir et abreuver
La cave n’est pas moins bien traitée que la cuisine. Rémi Martins travaille avec Arthur Fèvre, jeune artisan vinificateur installé à Orthez. Ses vins naturels commencent à bien faire parler d’eux. Dans la boucle Cabeillou, il y a aussi le Clos des quilles, caviste à Orthez, la famille Laplace à Aydie, Laurent Caubet à Cabidos et des vignerons corses et bourguignons. Bref, pas de quoi engendrer la mélancolie. Cette adresse réconfortante semble assumer gaillardement l’arrivée de la nouvelle génération. « On va fêter les 90 ans de Cabeillou cette année. L’objectif le plus proche c’est les 100 ans. » On prend date.
Chez Cabeillou
52 rue Saint-Pierre à Orthez
05 59 69 03 55
du lundi au samedi
en soirée, repas de groupe sur réservation
menu du jour 15,70 €
images Paul Flamini