Les fascinants masques sculptés de l’artiste Christophe Doucet sont exposés à la villa Beatrix Enéa à Anglet jusqu’au 8 mars. Rencontre chez lui dans les Landes.
Christophe Doucet est artiste. Il vit à Taller dans les Landes avec sa femme Catherine. J’ai voulu le rencontrer après avoir vu en image les masques qu’il sculpte dans le bois. Très simplement, un rendez-vous est fixé chez lui. L’atelier est imposant. C’est une ancienne distillerie de résine. Il cache la maison que Christophe et Catherine ont distribuée comme une cabane. En quelque sorte, un fortin et un petit ermitage dans le même enclos. La force et la rêverie réunis. Christophe Doucet n’a pas toujours été artiste. Il a derrière lui une carrière de forestier menée à la suite de ses études aux Beaux Arts de Bordeaux.
Autour d’un café et d’une mandarine Christophe Doucet parle de son travail aujourd’hui. Il se réjouit du succès des masques. J’en chausse un en cours de finition. C’est un ragondin. Son art est ludique et participatif. Christophe Doucet réfute le cynisme comme valeur-refuge de l’art contemporain. « Je suis un naïf de première classe » s’amuse t-il. Certainement la « naïveté savante » dont parle à son propos le critique d’art Didier Arnaudet. C’est aussi un lecteur assidu. Une discipline qui l’occupe une moitié de la journée, l’autre étant consacrée au travail dans l’atelier. Le reste du temps, il y a les petits rituels comme aller chercher du poisson frais avec Catherine sur la côte, ce n’est pas très loin. Ses chers auteurs sont Tim Ingold anthropologue britannique, l’anthropologue français Philippe Descola ou bien encore le philosophe et sociologue des sciences Bruno Latour. Il reprend l’idée de ce dernier selon qui la nature n’existe pas. « C’est l’invention de Descartes en vue de sa maîtrise ». Maintenant, au sol, à côté du masque en cours de finition, il y a des livres. On reprend du café.
Digression à présent sur les voyages. Christophe Doucet travaille régulièrement en Asie. Il est plus particulièrement familier des rituels chamaniques de la Corée. Il est tenté par l’Afrique mais redoute un peu les stéréotypes. Il doit retourner prochainement en Corée pour une résidence mais sans Catherine qui ne veut pas prendre l’avion. Christophe Doucet étage son travail en 3 niveaux. Le premier, c’est celui des gangues ou des masques. Le deuxième niveau revient à la cabane sculptée, à taille humaine, c’est-à-dire autour de 3 mètres. Enfin vient le signal qui s’octroie la taille d’un bus. Dans sa technique, il voit une filiation avec le travail des sabotiers. En dehors de ses tronçonneuses, Christophe Doucet achète de vieux outils qu’il répare.
Cet art mené dans l’effort des gestes répétés, presque ritualisés, opère une transfiguration chez son auteur. En déambulant dans son atelier je ressens une puissance invisible. Les sculptures ont une emprise sur l’imagination et sur le corps. Pour moi les masques de Christophe Doucet n’ont rien de la dissimulation mais tiennent beaucoup plus de la régénération. L’artiste se régale de voir les étudiants de l’École d’Art du Pays basque venir dans son atelier se mettre à la sculpture. De mon côté, je rendrai à nouveau visite à Christophe et Catherine quand mon masque sera terminé.
Exposition Vaste Monde #1 du 8 décembre au 26 janvier à la villa Beatrix Énéa à Anglet
L’exposition présente des artistes du sud de la Nouvelle-Aquitaine aux parcours différents, qu’ils soient émergents, en devenir ou confirmés, choisis au regard de leur engagement professionnel et de la singularité de leur démarche artistique. Elle propose de suivre comme fil conducteur la notion de monde au travers d’un ensemble de productions plastiques hétérogènes. Les artistes exposés : Grégory Cuquel / Nicolas Delprat / Christophe Doucet & Dylan Cote-Colisson / Rachel Labastie / Thomas Lanfranchi / Louisa Raddatz / Nicolas Sassoon & Rick Silva / Lionel Scoccimaro / Laurent Terras