Norma est une des très rares entreprises en Europe et dans le monde à concevoir et fabriquer à l’échelle artisanale des châssis de voitures de compétition. Rencontre avec son fondateur Norbert Santos, à Saint-Pé-de-Bigorre.
Voilà un homme qui aurait les moyens de rouler des mécaniques. La vingtaine de Norma conçue et assemblée dans son atelier de Saint-Pé-de-Bigorre caracolent fréquemment en tête des championnats, en Europe et aux Etats-Unis. Pourtant la modération l’emporte à chaque parole de Norbert Santos. La performance de ses voitures et la relation avec les pilotes, voilà son seul carburant.
La notoriété de Norma travaille pour elle. Tout le monde dans le milieu connaît l’adresse. En hiver, les teams auto viennent frapper à la porte de Norbert Santos pour faire leurs emplettes en vue des championnats de sport proto à venir. Le chèque pour un bolide avoisine les 100 000 euros.
Malgré les zéros, la passion pour le sport automobile, convertie en entreprise artisanale est loin de faire de Norbert Santos un nanti. « Nous pourrions faire plus de voitures, mais je préfère m’en tenir là parce que j’ai une exigence. Je veux que tout ce qui sorte d’ici soit irréprochable ». Dans l’atelier, s’affairent des passionnés de sports mécaniques, 17 personnes au total, qui excellent dans les différents savoir-faire mobilisés : montage, plasturgie et composite.
Point capital pour cette caste très particulière des concepteurs, l’échange d’après course, au cours duquel, les pilotes livrent leur impression sur le comportement de la voiture. Plus d’aérodynamisme réclamé sur l’avant, dans les parties rapides et voilà l’atelier de Saint-Pé qui se met en branle pour faire évoluer la voiture avant la prochaine course. « Nous avons la chance d’avoir comme clients de bons pilotes, qui sont aussi de bons metteurs au point. Tout dernièrement, l’un d’eux m’a fait parvenir un rapport d’une dizaine de pages qui fournit une analyse très poussée de la voiture »
Dans la peau d’un créateur
Dans les équipes qui se fournissent en Bigorre, se trouve celle de Romain Dumas, vainqueur notamment aux 24Heures du Mans et que Norbert Santos classe volontiers parmi les meilleurs pilotes français de sa génération. En 2014, dans les montagnes du Colorado, Romain Dumas remportait Pikes Peak, la deuxième plus ancienne épreuve automobile des Etats-Unis, au volant de sa Norma M 20. Après cette victoire, le sportif déclarait : « Je suis très heureux de partager cette victoire avec Norma et Norbert Santos, qui est tellement passionné. Ce défi a commencé après une rencontre dans une station essence et depuis nous n’avions qu’une chose en tête : gagner ! »
Recherche, remise en question permanente, anticipation à un an de ce que sera la voiture de la prochaine saison, quand il décrit son métier, le patron de Norma semble se glisser dans l’habit d’un créateur haute couture. « Il y a plus de 30 ans que je travaille dans ce milieu et depuis toutes ces années, je me demande toujours, pourquoi ne pas avoir eu hier l’idée d’aujourd’hui. Le jour où je n’aurais plus d’idée, tout deviendra compliqué ».
L’histoire de la marque est tout sauf un long fleuve tranquille. Professeur de technologie au collège Clermont avec François Bayrou, Norbert Santos a toujours partagé avec son frère Jacques la passion du sport automobile. En rallye et courses de côtes, il a évolué dans les championnats régionaux et nationaux. En 1986, le pilote décide de prendre le volant d’une voiture qu’il construit avec l’aide d’amis. Puis, l’expérience se répète, sans le moindre business plan. Une association de passionnés sort des châssis de voitures, les Norma, qui commencent à se faire un nom au cours des années 1990. Si les engagements répétés aux 24Heures du Mans leur ont fait mordre la poussière, un long passage américain par Daytona, Sebring et le reste du championnat US a démontré que le savoir-faire français tenait la route. Au point d’impressionner une poignée de partenaires américains qui vont aider Norbert Santos à financer son projet industriel. En 2003, le virage tant attendu arrive. Norbert Santos et son fidèle ingénieur Guillem Roux lancent la construction de 30 voitures sans le moindre prospect à l’horizon. « Le succès a été immédiat, si nous avions produit 50 voitures nous les aurions toutes vendues »
Norbert Santos ne pilote plus depuis longtemps. Il a fait le choix de construire pour les autres des voitures de sport proto qui détiennent aujourd’hui le record de titres remportés au fil des championnats.
Images : Philippe Costes