Un brin plus discrète que sa voisine Cauterets, Argelès-Gazost cultive de très beaux atouts à commencer par des randonnées ouvrant des vues splendides. Et la table y est bonne ce qui ne gâche rien.
Commençons par une vue d’ensemble. Dans le village de Boô-Silhen, une colline appelée Buala permet d’embrasser une grande partie de la vallée du Gave de Pau. Ce promontoire, autrefois un pacage réservé aux bovins est très facile d’accès : suivre le Cami deth Buala. De là-haut, la traînée sonore de la deux fois deux voies qui relie Lourdes à Argelès-Gazost fait l’effet d’un sédatif. Et ça tombe bien, l’herbe rase incite à s’allonger. Tout bon voyage commence par une sieste.
Grand style au quartier thermal
Au Miramont, installation dans les règles par Dominique Pucheu, la patronne de cet hôtel-restaurant de famille. Ouvert en 1963, Le Miramont est l’ancienne la villa Peyro Bibo. Elle fut construite après concours d’architecte à la demande du député Maurice de Rothschild, en 1939. Le style paquebot employé pour la villa fut aussi celui retenu par l’architecte Jean Escougnon pour le casino de la ville à la même époque. Argelès-Gazost a alors déjà largement gagné ses galons de ville thermale.
En effet, le 19ème siècle, par ses routes et ses chemins de fer, va rendre les eaux thermales des Pyrénées largement accessibles aux classes aisées. Hector Sassère, président de la Société thermale des Pyrénées entreprend d’amener les eaux sulfureuses de la source de Gazost à Argelès. Au bout de 21 km d’aqueduc, les thermes ouvrent avec succès en 1885 et dix ans plus tard, Argelès est rebaptisé Argelès-Gazost.
Pour loger la clientèle aisée des cures thermales, des promoteurs comme le comte Henri d’Agrain bâtissent des villas destinées à la location saisonnière mondaine. À Argelès-Gazost, le parc à l’anglaise de cinq hectares devient l’épicentre de la vie de ces happy few. Le lotissement progressif du quartier thermal s’accomplit entre 1890 et 1930.
On se délecte aujourd’hui du patchwork de styles, anglo-normand, néo-basque, orientaliste ou néo-Tudor.
Chocolatine de compète
La petite ville de 3 000 habitants s’anime plus sérieusement le mardi matin, jour du marché. On ne compte presque pas de dents creuses dans les rues commerçantes où le filet à provisions se remplit vite. La charcuterie Sajous est incontournable de même que la chocolatine de Sébastien Lagrue consacrée meilleure viennoiserie du monde en 2019. Côté nourritures spirituelles, on trouve à Argelès l’une des dernières librairies pyrénéistes, la librairie Bégué. Jovial, Henri Bégué endosse volontiers le rôle de sherpa pour nous guider parmi les très nombreux ouvrages sur le massif. À voir aussi l’intéressante brocante de la rue d’Alsace (ouverture aléatoire, plutôt l’été).
Il est temps de passer à table
L’hôtel Miramont et son restaurant Des Petits pois sont rouges. Une table courue pour la qualité des produits, la belle exécution des assiettes et le cadre raffiné.
Le restaurant Au Fond du gosier. Adresse délicate, sans tape à l’œil, mais rudement bien menée. Ce n’est pas mon premier déjeuner ici et l’impression est toujours au beau fixe. Une cuisine qui ose, sans toutefois nous perdre et qui comble aussi les bons appétits.
À La Piazza, sur la place du Foirail, le chef donne également l’avantage aux éleveurs locaux pour les viandes qu’il travaille en plus de la carte des pizzas.
Oh surprise quand on déjeune presque par hasard au Café du stade.
À la sortie de la ville, après le Carrefour Market, l’écriteau annonce un cassoulet brésilien. Ce n’est pas tous les jours. Ni une ni deux, tout est en place et Elza Aparecida Silva tombe une feijoada dans les règles. On reviendra évidemment pour le poulet rôti.
Sieste de rigueur encore. Pour ça rien de tel que le buala (la colline à vache). Celui du village de Préchac est à deux pas. Prendre le Cami deth Buala et monter jusqu’à la table d’orientation. Une petite île de félicité avec vue sur Le Viscos.
L’office de tourisme propose contre 1 euro un dépliant de poche où sont recensées 15 balades de tous niveaux à Argelès et dans les villages environnants. Nombre d’entre elles offrent des points de vue grandioses sur la vallée.
C’est le cas du circuit N°7, le sentier des chapelles. Il démarre dans le village de Saint-Savin et se termine à la chapelle de Pouyaspé qui surplombe Pierrefitte-Nestallas.
Nu-pieds et peau de bête
Impossible d’emprunter ce chemin sans évoquer Saint Savin.
Ce moine ermite du 5ème siècle a longtemps marqué la mémoire collective. Espagnol de Barcelone, Savin, bien né et bien éduqué, quitta la Catalogne pour Poitiers avant de rejoindre les Pyrénées. Il y rechercha la solitude d’un désert en vivant 13 ans en ermite dans un rocher creusé à Pouey-Aspé.
À la fois moine exorciste et thaumaturge, Saint Savin se nourrit de prières et de contemplation. Son aura fut immense. Ses reliques conservées dans l’Abbaye de Saint Savin ont très tôt attiré les pèlerins. La chapelle au bout de la randonnée a été construite à l’emplacement où Saint Savin mena cette vie d’ascète.
Quant-à l’abbaye elle-même, son influence spirituelle et économique fut très importante dans cette partie de la Bigorre, du 12ème siècle jusqu’au 15ème siècle. On parle même d’une République de Saint Savin.
À noter que la prospérité de cette communauté de moines bénédictins est également à l’origine de l’essor de Cauterets.
Orgue et peintures rares
Cette église dépouillée à l’atmosphère cistercienne a été conçue pour magnifier le chant grégorien. À voir dans l’église
- L’autel roman du 12ème siècle qui contient des reliques de Saint Savin
- Deux grands tableaux peints autour de 1500 qui comme une BD racontent la vie de Saint Savin en 18 vignettes.
- Le ciborium, une tour du 14ème siècle en bois doré, haute de six mètres, d’aspect gothique et servant de tabernacle. À l’intérieur de la tour des peintures très rares.
- L’orgue Renaissance sur sa tribune en bois. Daté de 1557, c’est un des plus anciens de France. Il est doté de masques articulés dont l’organiste peut faire claquer les mâchoires en guise de percussion.
Pour pousser davantage la découverte de l’ancienne abbaye faites appel à l’équipe d’animation du lieu (l’été et pendant les vacances). Ça ne s’invente pas, actuellement un prêtre ermite, portant sandales, été comme hiver, anime la vie spirituelle de Saint-Savin.
Pour ce qui est des plaisirs païens et du péché de gourmandise, direction l’hôtel-restaurant Le Viscos pour son menu retour de balade. Dans un autre registre, la pizzeria Minote à Pierrefitte-Nestalas fait un tabac. Parfaitement justifié.
Tout en douceur sur la voie verte
Si la messe en grégorien se révèle au-dessus de vos forces, suivez plutôt les habitants de la vallée qui le week-end plébiscitent la Voie Verte des Gaves entre Argelès et Lourdes. Aménagée en 2000 sur l’ancienne voie ferrée, elle longe le gave de Pau. Son revêtement lisse reçoit de la poussette au vélo de route. On y trouve une guinguette ouverte aux beaux jours ; le très alléchant restaurant L’Instant vert qui comme son nom ne l’indique pas donne dans les grillades au feu de bois. À côté l’épicerie fine Plaisir Gourmand.
La voie verte traverse 22 villages de la vallée d’Argelès. Elle s’étire sur 18 km de Lourdes à Pierrefitte-Nestalas. Le vélo loué chez Cycl’in Pyrénées à Argelès était taillé pour dévorer les cols, il s’est peut-être un peu ennuyé sur la voie verte, moi pas. Le bon combo : voie verte + Le Jardin des Bains, l’espace bien être des Thermes d’Argelès. Depuis 2011, cet ensemble avec piscines, sauna, hammam et jacuzzi distribue de la détente sans retenue. Belle ambiance intérieure baignée par la lumière du jour, la pierre et le bois. Chaudement recommandé.
Vers le val d’Azun
Pour boucler cette feuille de route, direction l’entrée du val d’Azun et le village d’Arras-en-Lavedan, auto proclamé « village d’Artitude ». L’ancien presbytère a été investi par La Maison des Arts gérée par l’association « L’Abbadiale ». Une exposition collective permanente présente une grande diversité de créateurs travaillant dans les environs. À cela s’ajoutent des expositions temporaires. Le village propose aussi deux sentiers pédestres ponctués d’œuvres d’art. À ne pas manquer dans le cœur du village, le bistrot librairie Le Kairn. Ici, les locaux s’accordent avec bonheur une pause lecture et grignotage maison
Office de tourisme Argelès-Gazost
Terrasse Jacques Chancel, 15 Pl. de la République
Tél. 05 62 97 00 25